La peinture de Nicolas Declercq, une capture de force






Est-ce que la peinture de Nicolas Declercq porte suffisamment de poésie pour se charger de l’humanité des animaux ? Son regard traque ce qui nous dépasse. Un souci permanent de fixer l’ineffable le tracasse. Son geste artistique consiste alors à saisir ce qui résiste, à reproduire non pas le réel mais les affects et la puissance qu’il dégage. Ainsi sa peinture se traduit par la tentative d’immobiliser un déséquilibre, de fixer l’impossible et d’étirer des sensations fugitives. Sa peinture mêle une goutte d’éternité à l’irrésistible râle amoureux du cerf. Ailleurs, elle sublime un poisson crevé. Au fond d’un œil gèlent des douleurs muettes. Une tête de cheval devient sous sa main des naseaux hystériques qui se cherchent une respiration…

Le peintre n’y échappe pas : l’image est toujours autre chose qu’elle-même. Cependant les animaux de Nicolas Declercq ne renvoient pas à un bestiaire symbolique. Aucune allégorie ou métaphore n’instrumentalise ses animaux pour dénoncer nos pulsions de mort ou proposer une apologie de la chasse. Bien que le trait soit cruel, ses animaux ne moralisent pas. L’artiste leur prête une voix et un visage. Sous les gueules sans esprit, il saisit les intensités. Le peintre démêle d’un fil de bave, la délicatesse d’un bovin amputé de sentiment. Sa peinture est une capture de force. Il rend ce que l’on ressent face aux animaux : l’évidence de la vie et la présence d’un instinct partagé. Ses cervidés ne sont pas définis par leur dessin, leur pelage ou leur front osseux, encore moins comme un « sujet »… Il conçoit le cerf comme un rapport de sensation. Il peint ce que notre tradition judéo-chrétienne a refusé aux bêtes : une âme. Sa peinture tient la promesse rimbaldienne : elle découvre l’âme des bêtes. Il n’est pas question de métempsycose mais plutôt d’un devenir humain de la bête et d’un devenir animal du spectateur.





Nicolas Bonnet