Nicolas Declercq ou le poids des images



Nicolas Declercq me reçoit dans son atelier, une pièce de son pavillon dunkerquois, avec vue sur le jardin. Ses pastels sur papier, d'un format moyen de deux mètres sur un mètre cinquante, sont exécutés dans cette pièce de deux mètres quatre-vingt sur deux mètres dix. Depuis le 31 août, il y peint à l'huile un chien par jour, en regardant ses enfants jouer. Au fil des thèmes traités -de façon exhaustive- par Nicolas, l'atelier devient un chenil, un haras, une volière; on a vu aussi des petits chats, des crânes humains, des autoportraits, sa grand-mère. Je crois me souvenir d'un champ de lavande, il dément. Un peintre cultivé sait qu'il ne faut pas faire le malin avec les thématiques : le tableau se chargera de sens malgré lui.


La première émotion esthétique de Nicolas a été provoquée par la vue d'un tapis dans un tableau flamand du quinzième siècle. Si la peinture est capable de rendre ainsi l'expérience de la matière, qu'en sera-t-il du pastel? Il se plonge dans la possibilité du réalisme par la poudre de craie, "à tel point que je n'en dormais pas". Par l'effort physique de son contact direct, sans outil intermédiaire, il pousse le pastel amorphe à devenir autre chose, à changer de nature. Le mélange se fait directement sur le papier, l'image surgit à la toute dernière étape, quand le blanc intervient. Au bout de ce processus, le réalisme n'est plus le critère de réussite. C'est la présence de l'image qui est recherchée : "je n'exprime pas, j'imprime", dit Nicolas. Son crâne le plus imposant lui a demandé un an de travail.


Il me montre une immense tête de cerf dans la nuit étoilée. "Mais c'est une image, pas de la peinture. Une image comme après dix bons points". Nous la comparons à ses derniers chiens : ils semblent porter tout le poids de la lumière sur leurs échines, comme des philosophes anonymes. Ce sont des portraits, insiste-t-il.

Montrer le travail n'en était pas, selon Nicolas, une étape indispensable. L'oeuvre entier tient en rouleaux dans un coin de la chambre de son fils. Enfin il se décide à rendre publics ses perturbants archétypes. Mais ce sont les oeuvres qui décideront du terme de la rencontre : "je n'expose pas, j'impose".


Philippe Baryga